
Une analyse inédite de 29 retournements majeurs révèle comment le marché français a évolué depuis 1977
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Historique des sommets et creux de l’indice français.
N° | Date | Durée (jours) | CAC 40 | Variation (points) | Variation (%) |
---|---|---|---|---|---|
1 | 06/05/1977 | 202 | |||
2 | 14/11/1980 | 1288 | 462 | 260 | 128,71% |
3 | 12/06/1981 | 210 | 300 | -162 | -35,06% |
4 | 27/03/1987 | 2114 | 1635 | 1335 | 445,00% |
5 | 31/12/1987 | 279 | 1000 | -635 | -38,84% |
6 | 20/04/1990 | 841 | 2129 | 1129 | 112,90% |
7 | 14/01/1991 | 269 | 1441 | -688 | -32,32% |
8 | 11/05/1992 | 483 | 2077 | 636 | 44,14% |
9 | 05/10/1992 | 147 | 1611 | -466 | -22,44% |
10 | 02/02/1994 | 485 | 2356 | 745 | 46,24% |
11 | 23/10/1995 | 628 | 1721 | -635 | -26,95% |
12 | 17/07/1998 | 998 | 4388 | 2667 | 154,97% |
13 | 08/10/1998 | 83 | 2960 | -1428 | -32,54% |
14 | 04/09/2000 | 697 | 6922 | 3962 | 133,85% |
15 | 12/03/2003 | 919 | 2403 | -4519 | -65,28% |
16 | 01/06/2007 | 1542 | 6168 | 3765 | 156,68% |
17 | 09/03/2009 | 647 | 2519 | -3649 | -59,16% |
18 | 18/02/2011 | 711 | 4157 | 1638 | 65,03% |
19 | 22/09/2011 | 216 | 2782 | -1375 | -33,08% |
20 | 27/04/2015 | 1313 | 5267 | 2485 | 89,32% |
21 | 11/02/2016 | 290 | 3897 | -1370 | -26,01% |
22 | 22/05/2018 | 831 | 5640 | 1743 | 44,73% |
23 | 27/12/2018 | 219 | 4599 | -1041 | -18,46% |
24 | 19/02/2020 | 419 | 6111 | 1512 | 32,88% |
25 | 18/03/2020 | 28 | 3755 | -2356 | -38,55% |
26 | 05/01/2022 | 658 | 7376 | 3621 | 96,43% |
27 | 29/09/2022 | 267 | 5677 | -1699 | -23,03% |
28 | 15/05/2024 | 594 | 8240 | 2563 | 45,15% |
29 | 09/04/2025 | 329 | 6863 | -1377 | -16,71% |
Le record oublié qui défie l’histoire
Le 27 mars 1987, le marché parisien réalise l’impossible : une hausse de +445% en moins de six ans. Jamais dans l’histoire du CAC 40, une telle performance ne sera égalée. Cette période exceptionnelle débute sous Valéry Giscard d’Estaing, connaît un creux historique avec l’arrivée du socialisme de François Mitterrand en mai 1981 – les marchés chutent alors brutalement face aux nationalisations et à la politique de relance – puis entame une remontée spectaculaire à partir de 1982 quand le « tournant de la rigueur » rassure les investisseurs. C’était l’époque d’un marché français qui découvrait le capitalisme populaire et transformait cette peur initiale du socialisme en l’une des plus formidables reprises boursières de son histoire.
Aujourd’hui, près de cinq décennies plus tard, ce record semble irréel. Car entre 1977 et 2025, le marché parisien n’a pas seulement évolué : il s’est métamorphosé à quatre reprises, créant quatre ères distinctes aux règles du jeu totalement différentes.
L’époque héroïque : quand Paris découvrait la Bourse (1977-1987)
L’indice français navigue alors autour de 200-300 points. Le marché français est confidentiel, réservé à une élite, et les variations semblent sorties d’un autre âge.
Pourtant, cette décennie fondatrice pose les bases d’un système qui explosera littéralement dans les années suivantes. Entre 1977 et 1987, trois retournements majeurs dessinent les contours d’un marché qui apprend à respirer : +128%, -35%, puis l’apothéose à +445%.
Ce dernier chiffre mérite qu’on s’y arrête. En six ans, de 1981 à 1987, l’indice parisien bondit de 300 à 1 635 points. Pour mettre cela en perspective, il faudrait aujourd’hui que le CAC 40 passe de 8 000 à plus de 43 000 points pour égaler cette performance. Impensable ? C’était pourtant la réalité de l’époque.
L’âge d’or retrouvé : de la cohabitation aux privatisations (1987-2000)
Puis vint le krach d’octobre 1987. En quelques mois, l’indice perd 39% et redescend au niveau symbolique de 1 000 points, qui deviendra la base du CAC 40 moderne. Mais loin de marquer la fin d’une époque, ce krach lance la plus formidable période de croissance de l’histoire française.
De 1987 à 2000, soit 14 années, le CAC 40 progresse de 1 000 à 6 922 points. Un rendement annuel de 15% qui ferait aujourd’hui la fortune de n’importe quel gérant. Cette « ère d’expansion » se caractérise par :
- Des corrections certes douloureuses (-22% à -32%) mais rapidement effacées
- Une croissance quasi-linéaire portée par les privatisations et l’optimisme technologique
- Un marché qui découvre les investisseurs particuliers et les OPCVM
Le point culminant intervient le 4 septembre 2000 : 6 922 points, soit +592% depuis 1987. Quatorze années de hausse, interrompues brutalement par l’éclatement de la bulle Internet.
Le krach de 1998 : 83 jours qui ont tout changé
Mais avant cet effondrement final, le marché français connaît en 1998 son premier véritable test de résistance moderne. Du 17 juillet au 8 octobre 1998, soit 83 jours seulement, le CAC 40 s’effondre de 4 388 à 2 960 points (-32,5%).
Ce krach, souvent oublié dans l’ombre de celui de 2000, marque pourtant un tournant historique. Pour la première fois, une crise née en Asie (crise asiatique de 1997) se propage instantanément à Paris. La mondialisation financière vient de montrer son visage sombre.
Les ingrédients sont déjà ceux des crises modernes : effet domino international, défaut de la Russie, quasi-faillite du fonds LTCM, et panique généralisée des marchés mondiaux. En 83 jours, l’équivalent d’une saison, le marché parisien perd un tiers de sa valeur.
Mais la leçon la plus importante de 1998, c’est la rapidité de la récupération : en moins de deux ans, le CAC 40 retrouve ses sommets et les dépasse largement. Un schéma qui se répétera régulièrement par la suite.
La décennie perdue : quand les rêves se brisent (2000-2011)
L’an 2000 marque la fin de l’innocence. Le 4 septembre 2000, le CAC 40 culmine à 6 922 points, porté par l’euphorie Internet et les valorisations délirantes des start-ups technologiques. Personne n’imagine alors que ce sommet ne sera pas revu avant… 2013.
En trois ans, de 2000 à 2003, l’indice s’effondre de 6 922 à 2 403 points. -65,3%, le record absolu de baisse dans l’histoire du marché français. Une génération entière d’investisseurs découvre que les actions peuvent détruire massivement la richesse.
Mais le cauchemar ne s’arrête pas là. Du sommet de septembre 2000 au creux de septembre 2011 (2 782 points), soit onze années complètes, le CAC 40 affiche une performance annuelle moyenne de -7,92%. Pour comprendre cette hémorragie : 10 000 euros investis au sommet de la bulle ne valent plus que 4 020 euros onze ans plus tard.
Cette « décennie perdue » est rythmée par deux krachs historiques :
- L’éclatement de la bulle Internet (2000-2003) : -65,3% en 919 jours
- La crise des subprimes (2007-2009) : -59,2% en 647 jours
Entre ces deux catastrophes, une reprise de 2003 à 2007 (+156,7%) redonne espoir, avant d’être anéantie par la crise financière mondiale. Au final, même en intégrant cette reprise intermédiaire, le bilan sur onze ans reste dramatique : -59,8% de perte totale.
Pour la première fois dans l’histoire moderne, une décennie entière d’investissement se solde par des pertes massives. L’optimisme des années 1990 cède place à la méfiance durable envers les actions. Une génération traumatisée par ces -7,9% annuels sur plus d’une décennie.
La renaissance silencieuse : l’ère de la nouvelle normalité (2011-2025)

Mais le plus fascinant dans cette saga de 48 ans, c’est la transformation silencieuse qui s’opère depuis Mais le plus fascinant dans cette saga de 48 ans, c’est la transformation silencieuse qui s’opère depuis 2011. Oubliées les envolées à +445% et les chutes à -65%. Place à un nouveau paradigme : la croissance régulière.
La pente de la progression sur la période 2011-2025 révèle une tendance de fond remarquable : +5,7% par an. Cette performance, certes plus modeste que les +15% des années 1990, présente néanmoins une plus grande régularité.
Les chiffres de cette nouvelle ère parlent d’eux-mêmes :
- Trend de fond : +5,7% annuel (2011-2025)
- Correction maximale : -38,5% (COVID mars 2020)
- Récupération record : Retour sur les sommets en 12 mois (mars 2020 → mars 2021)
- Durée des cycles : 1-2 ans contre 3-6 ans auparavant
Cette « ère de renaissance » se distingue par sa capacité de résilience. Le crash du COVID-19 illustre parfaitement cette nouvelle donne : en 28 jours, le CAC 40 perd 38,5% (3 755 points le 18 mars 2020), mais récupère ses sommets pré-crise dès mars 2021, soit +60% en exactement un an. Une vitesse de récupération jamais vue dans l’histoire du marché français.
Contrairement aux crises passées qui nécessitaient 3 à 5 ans de convalescence, le marché moderne affiche une capacité d’auto-guérison exceptionnelle. Les corrections restent brutales mais courtes, les reprises sont rapides et durables.
Cette transformation ne relève pas du hasard : elle reflète l’évolution structurelle d’un marché qui a appris de ses excès passés. La volatilité s’est domestiquée sans disparaître, créant un environnement plus prévisible pour les investisseurs tout en conservant des opportunités de performance attractive.
Les quatre révolutions qui ont tout changé
Comment expliquer une mutation si profonde ? Quatre révolutions silencieuses ont redessiné le paysage boursier français :
1. La révolution monétaire
Depuis la crise de 2008, les banques centrales sont devenues les véritables maîtres du jeu. Le Quantitative Easing de la BCE, les taux négatifs, et la « forward guidance » – politique de communication des banques centrales qui consiste à indiquer à l’avance leurs intentions – ont créé un environnement de liquidité permanente qui limite structurellement les krachs.
2. La révolution technologique
L’essor du trading algorithmique et des ETF passifs a mécaniquement réduit la volatilité. Les déséquilibres se corrigent automatiquement, évitant l’accumulation de tensions. Fini le temps où la panique pouvait s’auto-entretenir pendant des mois.
3. La révolution réglementaire
MiFID II (Markets in Financial Instruments Directive II), stress tests bancaires, communication préventive des autorités : le Far West des années 1980-2000 a cédé place à un environnement ultra-régulé et plus prévisible.
MiFID II (2018) a notamment imposé une transparence totale des coûts et une protection renforcée des investisseurs particuliers, réduisant les manipulations et les conflits d’intérêts qui alimentaient la volatilité artificielle.
4. La révolution mondiale
Dans un monde hyper-connecté, les chocs locaux se diluent instantanément. Un problème français n’a plus l’impact systémique d’antan grâce à la diversification géographique des capitaux.
Une performance historique stupéfiante
Bilan de ces 48 années : +3 298%, soit un rendement annuel de +7,6%. Pour saisir cette performance, 1 000 euros investis en mai 1977 valent aujourd’hui 34 000 euros.
Cette performance de +7,6% annuel sur 48 ans reste honorable à l’échelle internationale, malgré un décrochage notable face aux marchés américains depuis 2010. Un résultat d’autant plus remarquable qu’il intègre trois krachs majeurs (-65%, -59%, -38%) et une décennie entière de pertes, témoignant de la résilience long terme du marché français face aux crises successives.
Ce que cela change pour les Investissements
Cette métamorphose bouleverse les règles de l’investissement :
Pour les chasseurs de performance
L’ère des gains exceptionnels (+100%+) touche à sa fin, mais les cycles plus courts multiplient les opportunités. Le « timing » devient plus crucial, la patience moins récompensée.
Pour les investisseurs défensifs
Paradoxalement, la réduction de volatilité rend les actions plus accessibles. Les corrections dépassent rarement -30%, permettant un sommeil plus paisible…
Les nouveaux seuils
- Zone d’achat : Corrections de -20/25% (vs -30/40% historique)
- Zone de prudence : Hausses de +40/50% depuis les creux (vs +80/100%)
- Durée de détention optimale : 12-24 mois (vs 3-5 ans auparavant)
L’avenir : sagesse ou stagnation ?
Trois scénarios se profilent pour 2025-2035 :
- Continuation de la modération (70%) : Cycles courts avec amplitudes ±30%. CAC 40 entre 9 000-11 000 d’ici 2030.
- Réveil de la volatilité (25%) : Un choc majeur (géopolitique, bulle IA) ramène les amplitudes ±60% sur 2-3 ans.
- Disruption totale (5%) : Une révolution (AGI, guerre mondiale) rend caducs tous les modèles.
Les leçons d’un demi-siècle
Que retenir de cette odyssée de 48 ans ?
1. Les marchés évoluent par ères distinctes : Ce qui marche pendant vingt ans peut devenir obsolète du jour au lendemain. L’adaptabilité prime sur les convictions.
2. La volatilité suit des méga-tendances : Nous vivons probablement dans un régime de volatilité durablement plus faible, porté par les technologies et les politiques monétaires.
3. La performance de long terme reste attractive : Malgré trois krachs historiques et une décennie perdue, le rendement annuel sur 48 ans (+7,6%/an) demeure solide, même si la tendance récente (+5,7% /an) sur la dernière décennie) témoigne d’une normalisation vers des niveaux plus modérés mais durables.
4. Les cycles s’accélèrent : L’ère des méga-cycles de 5-10 ans cède place à des micro-cycles de 1-2 ans, plus nombreux mais moins amples.
Vers un nouveau contrat social boursier
Le CAC 40 de 2025 n’a plus rien à voir avec l’indice parisien de 1977, hormis sa vocation à mesurer la richesse française. Cette métamorphose traduit la maturation d’un système financier qui a appris de ses excès passés.
Le nouveau contrat est clair : moins de stress, moins de gains exceptionnels, mais une performance plus régulière et prévisible. Dans un monde où l’incertitude règne partout, les marchés financiers français semblent avoir trouvé une forme de sagesse.
Reste à savoir si cette sagesse résistera aux prochains défis technologiques et géopolitiques. L’intelligence artificielle, les cryptomonnaies, les tensions sino-américaines : autant de variables qui pourraient réécrire une nouvelle fois les règles du jeu.
L’histoire de ces 48 années révèle la capacité d’adaptation remarquable du marché français face aux mutations économiques et technologiques. De 200 points en 1977 à environ 7 900 points aujourd’hui, cette progression témoigne d’une résilience qui a su intégrer crises, transformations et évolutions structurelles du capitalisme moderne.
Cette analyse s’appuie sur l’étude exhaustive de 29 points de retournement majeurs entre 1977 et 2025, couvrant 48 années d’évolution du marché français.
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